Publié le 04.06.2025
NEDAO livrée aux Neuchâtelois
Cinq ans après son lancement initial, le projet NEDAO aboutit à un démonstrateur utilisable et est prêt à financer des nouveaux projets. Retour sur une aventure technique, humaine et philosophique.
Le projet NEDAO était à l'origine organisé pour accompagner "physiquement" le public utilisateur, et faire évoluer le développement du projet en fonction des retours reçus directement de ces utilisateurs. Car le plus gros défi de ce projet était avant tout, de réussir à rendre accessible à tous, une technologie qui nécessitait (et nécessite toujours), des manipulations et l'utilisation d'outils peu intuitifs pour le grand public.
Le premier gros coup dur du projet NEDAO a donc été la pandémie de COVID, avec une interdiction des réunions publiques promulguées à peine quelques jours avant la tenue de la première de ces sessions d'accompagnement, en Mars 2020.
Mais il est également apparu que ces technologies manquaient de maturité, et les environnements de développement, comme de production, ont subi de nombreux changements qui ont nécessité des adaptations continues, grèvant bien entendu le budget initial.
Pour illustrer cela, on se souviendra que les smart-contracts implémentant l'une des composantes essentielles au fonctionnement d'une DAO, à savoir l'identité décentralisée (DID), étaient terminés à la fin de l'été 2020. Suivant un objectif de pérennité du projet, ils suivaient le standard ERC-1056, qui était à l'époque encore en "Draft" (créé en 2018), et est aujourd'hui (4 ans plus tard) marqué "Stagnant".
L'une des raisons principales de cette stagnation a été que ce standard reposait sur le principe d'un contrat-registre, présentant de nombreux problèmes, allant des garanties de pérennité au manque de sécurité des données (le contrat-registre incarnant une source parfaite de données pour un social-graph vérifiable!), en passant par la censurabilité.
Ce n'est qu'en 2023 que de nouvelles pratiques et idées, offrant des solutions viables à ces problèmes, ont aboutit à des standards comme ERC-7231, puis en 2024 ERC-7734 et encore récemment la proposition ERC-7812.
Objectif éducation
Comme expliqué dans les articles précédents (lire notamment "L'heure des choix"), il a fallu à plusieurs reprises faire des choix techniques dans l'objectif d'arriver à mener à bien le projet. Mais il est clair que l'objectif principal de ce projet était de contribuer à faire connaître les TRD (Technologies à Registres Distribués) au grand public, et surtout lui apporter tous les éléments d'information et d'expérimentation nécessaires pour qu'il puisse faire la distinction, dans un contexte saturé de projets, souvent douteux, surfants sur des "buzzwords", et comprendre quand et comment ces technologies peuvent réellement être appliquées pour apporter une vraie évolution et de nouveaux paradigmes dans les outils de gestion et de gouvernance.
C'est pour cette raison que l'Association NEDAO a fait les choix nécessaires pour arriver à mettre fin aux développements techniques et offrir le plus simplement possible une plateforme utilisable.
Un obstacle final
Alors que le MVP était fonctionnel, en novembre 2023 tombait l'annonce de la décision d'arrêter le réseau de test Goerli. Et au moment de la présentation publique de décembre 2023, le calendrier exact n'était pas très clair. Mais dès janvier 2024, pratiquement tous les validateurs du réseau Goerli ont anticipé et sont passés sur Sepolia, rendant Goerli inutilisable très rapidement.
Durant l'année 2024 donc, avec des resources organisationnelles limitées, la mise en production a été préparée, en ayant au préalable migré les éléments de NEDAO sur le nouveau réseau de test Sepolia.
Pour rappel, la décision de faire tourner NEDAO sur un réseau de test avait pour but de surmonter le plus gros frein à l'usabilité, à savoir les frais de transactions. Mais cela a conduit à devoir migrer de Rinkeby a Goerli en 2023, puis de Goerli à Sepolia en 2025. Ce choix reste cependant le bon, car à ce jour, malgré une roadmap qui prévoyait qu'Ethereum implémenterait une solution de sharding dans le courant 2023, il n'y a encore à ce jour rien de tel sur Ethereum, et au contraire, on a vu l'essentiel des développements conduire à une facilitation du développement des L2 (layer 2), au lieu de chercher en premier lieu à améliorer l'efficience et réduire les coûts du L1, et les contributeurs d'Ethereum admettent eux-même qu'il faudra encore de nombreuses années avant de parvenir au sharding.
Aujourd'hui cependant, nous sommes heureux d'avoir enfin une plateforme utilisable et prête à acceuillir des propositions de projets, et le réseau Sepolia devrait être stable pour au moins quelques années.
Fonctionnement
L'identité décentralisée comme contrôle d'accès au vote
Le module DID, fonctionne toujours selon les principes du contrat-registre. L'expérience de cette solution, non seulement par le projet NEDAO mais par l'ensemble de l'industrie, a clairement montré, comme évoqué plus haut, les limites et problèmes posés par cette solution. Néanmoins, pour une utilisation en tant que démonstrateur, elle convient parfaitement, et la façon dont nous l'avons appliquée garantit une protection des données privées (aucune donnée privée n'est publiée en clair dans le contrat-registre, ni sur IPFS).
Tout un chacun pourra créer une identité décentralisée sur la plateforme, et le Certificat de Membre NEDAO demandé directement sur l'interface utilisateur NEDID. Ce certificat est ensuite attribué par l'Association, et permettent d'accéder aux fonctionalités de soumission de projet et de vote.
Il est à noter que si quelqu'un manifestait un intérêt à utiliser cette plateforme pour délivrer d'autres types de certificats, il est très facile d'ajouter des certificats, avec leur configuration et pré-requis, et le certificateur peut alors soit utiliser sa propre interface ou back-end de certification, ou reprendre l'un des outils développés par le projet NEDAO.
Le portail de vote, accessible sur https://vote.nedao.ch ou via le bouton correspondant sur le site https://nedao.ch, mêne à un "espace" NEDAO sur la plateforme Snapshot. Cet espace listera les projets candidats au financement par NEDAO, et l'accès au vote n'est possible qu'aux identités bénéficiant du certificat de Membre NEDAO.
Ce fonctionnement constitue la démonstration que la sécurisation d'un accès à un vote peut se faire par une identité décentralisée, sans aucune base de donnée d'utilisateurs, ni de back-end ou même d'infrastructure (serveur, etc), au contraire d'initiatives d'identité numérique comme SwissID, ou même le Guichet Unique.
À noter sur ce sujet, que le projet e-ID du gouvernement Suisse, dans sa forme actuellement proposée, s'approche déjà bien plus d'une DID que les deux exemples précédemment cités. Ce projet mets néanmoins en lumière plusieurs autres sujets problématiques, comme par exemple l'obligation de posséder un smartphone qui devient un "porte-clé" d'identité, ou encore la mise en place d'une base de donnée de reconnaissance faciale par Fedpol...
(Le référendum contre cette e-ID ayant abouti, le peuple Suisse votera sur ce sujet le 28 septembre 2025).
Portails de proposition de projets et votes
Un second espace Snapshot, accessible via https://proposals.nedao.ch, servira à soumettre des projets aux membres NEDAO.
Ces projets devront dans un premier temps répondre aux critères décrits dans la Charte des Projets NEDAO.
Une fois soumis et clairement documenté sur ce portail, les projets entreront dans une phase de discussion avec le public, puis mis au vote selon les règles de gouvernance définie dans la Charte. Le public (disposant du Certificat de Membre NEDAO) pourra alors voter sur https://vote.nedao.ch (ou en cliquant sur le bouton correspondant sur https://nedao.ch).
Un guide plus détaillé sera mis en lien de la page d'accueil et présentera les démarches à suivre avec des exemples.
Conclusion
Finalement, une plateforme utilisable, et surtout un avenir entre les mains des résidents du Canton de Neuchâtel, un autre des objectifs principaux du projet est atteint.
Certes, les interfaces utilisateur sont bien loin de ce que nous aurions aimé réussir, et l'expérience utilisateur globale reste encore difficile. Mais nous espérons que la démonstration des niveaux de sécurité et de fiabilité obtenus, considérant le peu d'infrastructure techniques nécessaires, et en comparaison des solutions actuellement utilisées, fera au moins progresser la conviction qu'il serait tout à fait possible de mettre en place des outils de gouvernance bien plus fiables et sécurisés, et à moindre coût, tout en renforçant notre système démocratique, grâce à plus de transparence et la décentralisation des processus.
Les remerciements iront bien entendu à tous les partenaires du projet, au Canton et à la Confédération pour l'avoir soutenu, mais également, et ils se reconnaîtront, à un petit groupe de personnes ayant commencé à cogiter en 2018 sur un projet initialement nommé RoboDAO.