Publié le 31.01.2022
State of the DLT
Quel progrès, dans les technologies DLT et dans leur adoption? Quelles avancées concrètes, au-delà des buzzwords et du sensationnalisme médiatique? Qu'attendre pour 2022?
Ces questions, déjà posées en partie à la fin de l'été dernier, dans le dernier article sur l'état d’avancement du projet, sont encore et toujours d'actualité, et n'ont apparemment pas beaucoup changé depuis ces 4 à 5 dernières années.
Les super-cycles de spéculation financière, directement influencés par les cycles du Bitcoin (ayant eux-même un relation directe avec les règles d'émission du Bitcoin, et du coup également les halvings), ont bien souvent soit masqué, soit freiné les évolutions de la technologie.
S'il faut retenir un acronyme que 2021 aura enseigné à une impressionnante proportion de l'humanité, il s'agit bien entendu de NFT, pour Non Fungible Token (jeton non fongible dans la langue de Molière). Motivé par des annonces fracassantes mentionnant des sommes de ventes astronomiques (CryptoPunk 5217
: vendu aux enchères 11.8 MUSD par Sotheby's en juillet dernier, Right-click and Save As guy : Revendu 6.57 MUSD sur SuperRare, alors que l'artiste original l'avait vendu il y a 3 ans pour 1 ETH, soit un peu plus de 100 USD, et bien entendu, le fameux Everydays: the First 5000 Days de Beeple, vendu aux enchères par Christie's pour 69.3 MUSD) pour des oeuvres encore majoritairement 100% digitales.
Le monde de l'art et les noms de grandes maisons de vente aux enchères appuyant, un tsunami médiatique et une frénésie spéculative s'en sont suivis, avec déjà, au loin, l'art et les objets physiques.
Pourtant l'idée n'est pas nouvelle, le standard le plus utilisé pour les NFT, le ERC-721 "date" déjà de 2017, et les premiers projets utilisant ce principe également.
Les implication du transfert juridique, de la notion de propriété et de droits sur des biens physiques (oeuvres d'art, bien immobiliers, montres de luxe, etc.), à des véhicules comme les NFT, n'en sont pourtant encore qu'à leurs balbutiements, et les défis technologiques à relever pour garantir la pérennité de ces projets (nécessitant également implicitement une décentralisation réelle des protocoles comme des mécanismes économiques pour garantir qu'ils perdurent), notamment ceux qui concernent la vérifiabilité du lien entre un NFT et le bien physique qu'il représente, sont encore à des mois, voire des années, d'aboutir, dans biens des cas.
Alors, le monde de la crypto est-il une fois de plus saturé par des projets uniquement spéculatifs qui en encombrent ses réseaux et ralentissent leur adoption en suscitant la méfiance du public?
D'un point de vue applicatif, il est clair que peu de projets en dehors de la DeFi / NFT ont pu bénéficier de la lumière médiatique. Mais du point de vue de l'évolution des protocoles, l'explosion de l'activité des dizaines de marketplaces comme OpenSea, Axie Infinity, NBA Top Shots, Rarible, Nifty Gateway, etc, a saturé les réseaux, et une fois encore mis en lumière les limites actuelles des technologies DLT, au détriment des autres types de projets.
Pourtant l'histoire semble se répéter, car déjà en 2017, peu de temps après l'ouverture au grand public de la plateforme CryptoKitties, l'une des premières du genre à rencontrer un certain succès, le réseau Ethereum s'en est trouvé totalement saturé. Plus tard, lassés d'attendre que le protocole Ethereum évolue pour permettre une plus grande adoption et répondre à la demande grandissante, ces déboires motiveront l'équipe de développeurs de CryptoKitties à créer une toute nouvelle blockchain (Flow) dédiée à ces "nouveaux" cas d'usage.
Mais c'est justement ce qu'il faut en retenir: Ethereum reste la blockchain [capable de faire tourner des smart contracts] la plus ancrée et pérenne, et une nouvelle blockchain dédiée à un cas d'usage ne résoudra les problèmes d'Ethereum que pour ce cas d'usage précis.
L'exemple récent de Solana l'a bien démontré. Le protocole promettait d'atteindre prochainement des performances allant jusqu'à 50'000 TPS (transactions par seconde), avec des frais de transaction bien moindres, et affiche encore aujourd'hui sur son site web officiel plus de 2000 TPS. La réalité est que le réseau Solana est engorgé depuis des semaines, principalement dû (encore une fois) au succès récent et soudain de marketplaces comme Degenerate Apes, Aurory ou encore Solanart, rendant par moments l'ensemble des applications Solana pratiquement inutilisables.
Sur Ethereum, la moyenne est actuellement autour des 15 TPS, mais au moins les transactions passent. Elles sont cependant encore beaucoup trop chères pour la plupart des application grand public potentielles. Et le chantier est encore très long, comme le montre le diagramme ci-dessous, publié par V. Buterin début décembre, avant que la situation ne s'améliore réellement.
Vous l'aurez remarqué, ce diagramme ne comporte pas de dates précises sur l'axe temporel... Cela ne laisse rien présager de bon quant au temps qu'il reste à attendre avant que toutes ces petites briques n'aboutissent et permettent enfin aux centaines de projets qui se construisent sur ce protocole de s'épanouir.
Mais c'est aussi l'une des meilleures garanties qu'Ethereum est là pour le long terme, et non pas pour surfer sur une vague spéculative.
De nombreux projets l'ont bien compris, et construisent dans l'ombre leurs plateformes.
Même dans le domaine des NFT, des projets comme KnownOrigin par exemple, montrent déjà qu'il existe une voie bien plus "sérieuse", tant du point de vue du développement technique que de celui de sa pérennité et des réflexions qui sont menées pour la garantir sur le très long terme.
Et l'on n'entend plus parler des projets relatifs aux centaines d'autres cas d'usages des technologies DLT (supply chain, assurances, échanges directs, circuits courts, gouvernance, etc, etc). Ils sont pourtant toujours bien en cours.
De la même manière, le projet NEDAO n'est pas là pour surfer sur l'une ou l'autre des vagues crypto, mais bien pour offrir, le moment venu, une vraie plateforme d'utilité publique aux résidents du Canton de Neuchâtel.
Et en parallèle aux développements techniques, le monde juridique avance également. Pour s'en convaincre, il suffit de lire par exemple cet article publié sur le LexTech Institute, ou encore la dernière fiche d'information sur les cryptoactifs du Département Fédéral des Finances.
PS: Aux dernières nouvelles le merge Ethereum2.0 devrait arriver "~Q2 2022"...